Lettre ouverte au Chef de l’Etat
Excellence, Général d’Armée, Mamadi Doumbouya
Je ne sais pas si mon mari qui a toujours assumé avec courage et foi ses prises de position et toujours défendu ses convictions, sans jamais trembler, m’aurait permis de vous solliciter afin d’obtenir sa libération. Peu importe ! Aujourd’hui, je n’ai pas d’autre choix que de faire recours à vous, après avoir frappé à toutes les portes, en vain, pour avoir des nouvelles de mon cher époux. Je ne supporte pas le doute de ne rien savoir de ce qu’il serait advenu de lui, ni ne peux me résigner à l’angoisse d’attendre, sans espoir ni perspective. Il n’y a rien de pire que le doute sur le sort d’un être cher à notre cœur, de plus insupportable pour une femme que l’idée que la vie de son mari, le père de ses enfants pourrait être en danger.
Je ne peux garder le silence qui nourrit l’oubli et entretient l’indifférence.
Général,
Dès lors, vous comprendrez, que c’est avec le cœur serré, l’âme en peine que je vous écris cette lettre ouverte afin de demander votre implication personnelle et active afin que Habib Marouane Camara recouvre, sans délai ni conditions, la liberté dont il est arbitrairement privé, partant, soit rétabli dans ses droits confisqués. Alors qu’il ne porte pas d’armes, ne représente aucun danger pour la société et n’a jamais fait de mal à personne, il a été arrêté dans la soirée du Mardi 03 Décembre 2024, au carrefour KPC, à Lambanyi, par des gendarmes, armés jusqu’aux dents, dans des conditions effroyables et dégradantes.
Cet acte regrettable, d’un autre âge, jure avec l’Etat de Droit et les bonnes pratiques judiciaires. Il est surtout contraire à votre engagement solennel du 5 septembre 2021, devant l’histoire, la nation, à la face du monde, de veiller à la protection des droits humains et au respect de l’intégrité et de la dignité de tout citoyen guinéen pendant tout le temps que vous aurez à exercer le pouvoir que vous veniez de prendre.
Général,
Une semaine qui paraît une éternité depuis son enlèvement, ni moi, ni nos familles, encore moins nos proches, y compris, nos avocats, ne savons où est retenu, détenu, mon mari. Du jour funeste de son kidnapping par des agents identifiés, formellement, comme des gendarmes à maintenant, je me suis rendue, successivement, au tribunal de Dixinn, à la cour d’appel de Conakry, à la direction centrale de la Police judiciaire, au Haut commandement de la gendarmerie, dans l’espoir, chaque fois, de trouver une oreille attentive pour entendre mon cri ou de rencontrer un interlocuteur qui pourrait éclairer ma lanterne.
En désespoir de cause, il ne me reste plus que vous comme ultime recours pour savoir où se trouve mon mari et ce que l’on a comme griefs à son encontre.
Monsieur le Président,
Permettez-moi, d’attirer votre haute attention à propos des risques auxquels Habib Marouane est aujourd’hui exposé. Il est soumis à un traitement qui lui impose de prendre des cachets à des heures bien déterminées. Je doute que dans les conditions actuelles qui ne lui permettent pas cela, que sa santé ne soit menacée, sa mort programmée aussi et surtout que Dieu nous en garde, qu’elle ne soit précipitée en arrivant avant l’heure. Qu’Allah nous dispense du pire !
A défaut que mon mari ne soit remis en liberté, j’espère pouvoir accéder à lui afin de m’assurer qu’il ne lui est rien arrivé, surtout, pour lui apporter les médicaments dont il a besoin.
Monsieur le Président,
Dans mon état de famille, de petits enfants sous les bras, je vis un véritable cauchemar depuis la disparition de mon mari. Vous êtes un époux et un père aussi, donc, vous connaissez les liens forts et émotionnels qui existent entre Mari et épouse, père et enfants. Mes nuits sont longues, mes journées interminables. Je suis confrontée à la fois à la peine des enfants privés de leur père et au vide de l’absence de mon mari dans la tourmente.
Je ne demande qu’à connaître la vérité pour avoir le sommeil tranquille et surtout réclame, à cor et à cri, la justice pour Habib Marouane, quoi qu’il ait pu dire ou faire dans l’exercice souvent très compliqué du métier de journaliste qui le passionne, dont il a fait un sacerdoce, l’engagement de sa vie. Je persiste à croire que la justice comme vous l’avez promis reste la boussole, l’Etat de Droit, à notre époque, est incontournable.
Monsieur le Président,
Dans l’espoir que vous entendrez mon cri de cœur et serez sensible à la détresse d’une femme guinéenne, je vous prie de recevoir mes salutations sincères.
Conakry le 12 Décembre 2024
Mariama Lamarana Diallo, épouse de Habib Marouane Camara