En dépit de quelques appréhensions chez un certain nombre d’observateurs, les décisions prises dimanche dernier, lors du sommet de la CEDEAO (communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), n’ont pas surpris les plus avisés.
Alors que les chefs d’Etat étaient encore en réunion à huis-clos, des infos bruissaient déjà dans les couloirs, laissant entrevoir qu’il n’y aurait pas de nouvelles sanctions contre la Guinée. La plupart des sources expliquant « l’indulgence » des dirigeants de l’organisation sous-régionale, par certains faits jugés positifs et incitant plutôt à l’optimisme.
Parmi ceux-là, incontestablement il y a la volonté exprimée de la junte et du gouvernement de faire du dialogue inclusif et sincère une priorité. Par le biais d’un cadre annoncé et déjà lancé par le Premier ministre, au lendemain d’un communiqué dont la quintessence a été unanimement saluée. Dans lequel communiqué, Mohamed Béavogui a, au nom du président de la transition, tendu la main à tous les acteurs politiques et activistes de la société civile, sans exclusive, pour discuter et essayer de s’entendre à propos de la manière qui sied pour mener à bon port la transition en cours, de façon apaisée et en toute transparence avec la conciliation de la CEDEAO.
Ainsi, avant même l’annonce des conclusions du sommet qui s’est tenu dans la capitale du Ghana, des médias révélaient, par ailleurs, que des pays comme la France auraient exprimé le vœu de ne pas voir la Guinée subir de nouvelles sanctions. Pour ne pas contrarier, dit-on, l’action du Premier ministre dans sa volonté affichée de conduire un cadre de dialogue inclusif et sincère, réunissant le CNRD (comité national du rassemblement pour le développement), le gouvernement et les forces vives. Cet engagement du chef du gouvernement, que beaucoup croient sincère et déterminant, est perçu au sein de la communauté internationale comme un gage de réussite de la transition.
Évidemment, on pourrait ajouter d’autres facteurs pour expliquer l’attitude « accommodante » des premiers responsables de l’organisation ouest-africaine. Comme les bonnes dispositions jusque-là avancées par la junte à l’égard de l’institution, le travail de fourmi du ministre des Affaires étrangères, ainsi que l’entregent de Mohamed Béavogui, auprès des partenaires proches et lointains, bi et multilatéraux.
Après qu’un médiateur faisant consensus est désigné par la CEDEAO, en la personne de l’ancien président béninois Thomas Yayi Boni, on peut toutefois mettre un bémol, en disant que rien n’est fini, que tout commerce.
D’abord les hics, avec la survenue inopinée d’un grain de sable dans la dynamique d’un dialogue qui semblait jusque-là bien engagé. À travers la crise née de l’interpellation spectaculaire de responsables du FNDC (Front national pour la défense de la constitution), qui avaient maille à partir avec la justice.
Il faut rappeler que ce mouvement qui a mené la vie dure au pouvoir déchu d’Alpha Condé, semblait être, avant ces ennuis, sur le point de revenir à de meilleurs sentiments, après avoir menacé d’arpenter le macadam récemment. Pour exiger, entre autres, l’ouverture d’un dialogue inclusif afin de parvenir à une réduction de la durée de la transition proposée par la junte et « entérinée » par le CNT (Conseil national de la transition).
Heureusement que ces événements qui auraient pu – ou pourraient – pousser le FNDC à faire machine arrière, à camper sur son attitude de défiance vis à vis du CNRD et de son gouvernement, ont finalement connu un dénouement plutôt salutaire, avec la libération des prévenus par le tribunal de 1ère instance de Dixinn pour délit non constitué.
Une contrariété, ou simplement un contretemps que la Primature et le gouvernement auront à cœur de dépasser dans les jours à venir. L’arrivée prochaine du médiateur de la CEDEAO, surtout les échanges qu’il aura avec les autorités et les Forces vives, pourraient calmer certaines ardeurs belliqueuses, s’il y en a, et réunir ainsi toutes les parties impliquées autour de la table du dialogue.
Quant à Mohamed Béavogui, il ne serait guère surprenant donc de le voir mettre les bouchées doubles, pour se pencher, entouré de son équipe et dans les meilleurs délais possibles, sur les mémos fournis par les uns et les autres, dans le but de définir enfin les contours du cadre de dialogue réclamé par tous.
Avec un minimum de bonne foi de la part des autorités et des Forces vives, y arriver ne devrait pas relever du domaine de l’impossible. D’autant plus que la présence d’un médiateur de la CEDEAO était l’une des principales exigences brandies par les plus réticents.
Mais, quand bien même les fils du dialogue seraient (re)noués, il ne faudrait pas perdre de vue que l’absence de nouvelles sanctions au récent sommet d’Accra n’a rien d’un blanc-seing. Le pays a jusqu’au 1er août prochain pour parvenir, grâce notamment au cadre de dialogue, à un calendrier pour un retour à l’ordre constitutionnel au terme d’une « période raisonnable ».
Sinon, gare aux sanctions qui planent toujours au-dessus de sa tête, telle une épée de Damoclès. Et leur probable corollaire : la montée du mercure socio-politique…
Bakary Sacko