Enseignement du français en Guinée: la problématique des interférences phonétiques des langues nationales…

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Le Centre international de recherche et de développement (CIRD) a servi de cadre, ce mercredi 7 décembre 2022 à une conférence débat sur « Les interférences phonétiques des langues nationales en Guinée. Organisé par le Séminaire des sciences sociales – Guinée (3SG), l’événement a mobilisé plusieurs étudiants en linguistique à l’Université de Sonfonia, des chercheurs et enseignants.

Les interférences linguistiques entre langue d’enseignement et langue parlée à domicile ou plus largement hors de d’école sont fortes en Guinée. Ce qui fait que l’apprentissage du français — langue d’enseignement scolaire se fait alors que la majorité des jeunes apprenants ont comme langue maternelle le kisia, le kpèlèo, le loma, le maninkakan, le pular, le sosoxui, a expliqué le conférencier, Mamadou Aguibou Sow « Mo Kulete », enseignant-chercheur, promoteur de langues nationales, membre de l’Association guinéenne pour la promotion de l’écriture et de la lecture en langues nationales (AGUIPLN).

 

«J’enseigne tous les jours en français des enfants de la maternelle, du primaire, du secondaire. Du coup, j’ai compris qu’il y a un souci avec les enfants de la maternelle. Je me suis dit comment est-ce que je peux régler ce problème. J’ai commencé sans même penser à un master à voir du CP jusqu’en 6e année quelles sont les difficultés pour ces enfants dans ce que nous appelons ‘‘Expression langagière’’, les sons en français. J’ai vu que le problème diffère d’un enfant à un autre. Quand j’ai eu l’opportunité de faire un master, je me suis intéressé à cette question. Je vous donne juste un exemple, un enfant qui est la maternelle est venu se plaindre à mon niveau. Il m’a dit « monsieur, vous avez vu il m’a dampé». Dans son entendement, il me parle français. Mais comme il y a un mot qu’il ne connait pas en français il utilise le pular étant pularophone. Ensuite, au CP, pour se plaindre les enfants venaient dire : « monsieur, il a pris bic moi ». Toute la composition est française, mais la structure n’est pas française. L’enfant à penser dans sa langue : « O ƴetti bik an on» alors qu’en pular, le possessif est postposé et non préposé comme en français. Je me dis que cet enfant est vraiment intelligent parce qu’il a pu faire une combinaison entre la structure de sa langue maternelle pour transposer cela à la langue française. Donc, je me dis qu’il y a un problème qu’on aurait cherché à comprendre et à résoudre. J’ai constaté également dans certaines classes du CE, les enfants ont des problèmes sur certains sons en français. J’ai cherché l’origine de ce problème et j’ai compris que les enfants ont d’abord parlé une première langue et que dans la didactique de la langue, il n’y a pas eu correction sur la phonétique chez l’enfant, donc le problème a persisté jusqu’en 6e année. Certains enfants ont du mal à dire « chemise » parce qu’il y a tout simplement un problème entre le « Ch» et le « C ». Il y a des enfants qui ont des difficultés de dire « prendre », ils disent « plendre» parce qu’ils ont un problème de prononcer un son qui, peut-être, n’existe pas dans leur langue première. Je me suis dit que c’est un bon thème de travail», a expliqué Aguibou Sow à l’entame de son intervention.

 

«Au départ, on se disait qu’il n’y a pas grand-chose à voir parce qu’on disait que les élèves ont des problèmes. Mais lorsqu’on s’est lancé à fond dans l’enquête, on a vu que le problème n’est pas qu’au niveau des élèves, il y a des maitres qui ont le même problème et qu’il transmette aux enfants sans se rendre compte. Le problème existe aussi au niveau des familles parce qu’il n’y a pas d’efforts d’amélioration du niveau d’apprentissage des enfants dans la langue d’apprentissage. (…) Lorsqu’un enfant ne sait pas lire correctement un mot en français, il va lui être très difficile de retenir et l’orthographe et le sens du mot. Question de pouvoir correctement lire et parler parce que lorsqu’on ne parle pas une langue, on ne peut pas écrire dans cette langue, il est vrai que le français est jusque-là la langue officielle du pays. Voilà pourquoi il est important de la maitriser», a expliqué l’enseignant-chercheur avant de proposer des pistes de solution.

« On a élaboré des solutions purement didactiques qu’on a travaillé dans le cadre des écoles. C’est des solutions de travail répétitif sur les sons qui sont absents dans la langue française et qui sont récurrents dans nos langues nationales. La solution va être individualisée parce que les enfants ne viennent pas des mêmes origines linguistiques», a indiqué M. Sow.

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