Le septennat : délai suffisant pour permettre à un président de la République de mener à bien les grands desseins d’une nation
Le Septennat, durée d’un mandat électif de sept années confié au président de la République pour mener à bien ses missions. C’est pourquoi, on définit traditionnellement le mandat « comme étant la mission confiée par les électeurs à un élu pour une durée déterminée ». La fonction présidentielle a été créée par la Constitution de la seconde République Française qui date du 4 novembre 1848. Son article 43 dispose : « Le peuple Français délègue le pouvoir exécutif à un citoyen qui reçoit le titre du président de la République.»
C’est à partir de cette date que la question de la durée du mandat présidentiel est devenue une question pertinente. Le choix prononcé en faveur d’un mandat de sept ans confié au chef de l’État remonte au début de la troisième République. Après la chute de Adolphe de THIERS, le pouvoir exécutif fut confié personnellement pour une durée de sept ans au Marechal de MAC – MAHON par la loi du 20 novembre 1873 dite « loi du septennat » Français.
Cette durée fut institutionnalisée par l’amendement WALLON du 30 janvier 1875 qui est le septennat impersonnel. L’institution du septennat ne fut pas remise en cause par la troisième et la quatrième République Française, elle incarna un gage de continuité face à l’instabilité gouvernementale qui caractérise les périodes précédentes.
La Constitution de la cinquième République française réaffirma sa préférence pour le mandat de sept ans confié au chef de l’État afin de mener à bien les missions que lui confère la loi fondamentale.
C’est à partir de 1962, date de la révision constitutionnelle qui instaure l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, que le septennat à fait l’objet de débat au sein de la classe politique. La raison est la suivante : sous les régimes précédents, le chef de l’État, élu par le parlement réuni en congrès, avait surtout un rôle de représentation. Il n’avait pas, officiellement tout au moins, de programme politique, il lui était relativement facile de s’adapter en cours de mandat à des majorités politiques de couleurs différentes.
Or, à partir de 1962, le Président de la République est apparu comme l’homme d’une politique, politique qu’il a exposé aux électeurs pendant la campagne présidentielle. En outre, la Constitution lui confère des pouvoirs plus importants que ses prédécesseurs.
C’est donc à partir de cette date que le septennat a fait l’objet de vives contestations. Une partie de la classe politique se demandant s’il n’était pas devenu obsolète au regard de l’évolution évoquée ci-dessus. Sauf qu’il ne faut pas oublier que l’institution a traversé trois Républiques et deux guerres mondiales de 1873 à 2000, un record imbattable. Or vingt-cinq ans après son instauration, le quinquennat est aujourd’hui accusé de tous les maux dont souffre le régime politique de la France, comme pour dire qu’il est temps de changer de système en modifiant seulement une de ses pièces.
LES MÉFAITS DU QUINQUENNAT
Le quinquennat emporte sur le plan politico-institutionnel des conséquences plus ou moins évidentes.
Il importe donc de mettre en relief les inconvénients d’une telle durée confiée au président de la République.
Le quinquennat favorise le développement d’un régime présidentiel en cas de conjonction des majorités parlementaires et présidentielles. « Dès lors que le Président et l’Assemblée sont élus pour un même moment et pour une même durée, les perspectives de dissolutions se réduisent … En cas de concordance des majorités, le Président n’aura qu’un faible intérêt et de gros risques à dissoudre pendant son mandat. »
Le quinquennat produit plusieurs conséquences.
On dit que le quinquennat serait moderne, ce qui ne veut pas dire grand-chose d’autant plus qu’un mandat de 5 ans avait déjà été proposé par les Républicains en1873 et qu’en apparaissant « moderne » depuis 1873, cette réforme risque d’être intellectuellement médiocre (ringard). En revanche, en permettant un renouvellement plus fréquent du chef de l’Etat, le quinquennat a incontestablement un caractère démocratique. Mais il en résultera une augmentation des campagnes et des élections déjà bien importantes. Si 7 ans peuvent aussi paraître trop longs, ils sont aussi trop courts dans la mesure où le pouvoir de gouverner n’est remis que pour une durée moyenne de trois ans compte tenu du décalage entre les élections présidentielles et législatives.
Le quinquennat ferait disparaître la fonction d’arbitre du président. Mais on peut penser avec Guy Carcassonne que celle-ci n’est qu’un mythe, car le président s’engageant dans la bataille des législatives est loin d’être un arbitre. Il doit descendre dans l’arène politique s’il ne veut pas perdre de ses pouvoirs en cas de défaite de sa majorité aux législatives.
Dans ce dernier cas, le président apparaît moins comme un arbitre que comme le chef de l’opposition.
La continuité en matière de politique étrangère n’est pas non plus moins bien assurée avec le quinquennat.
Beaucoup attendent surtout du quinquennat la disparition de la cohabitation, période souvent conflictuelle et paralysante.
L’adoption du quinquennat est en fin parfois présentée comme le premier pas vers un régime présidentiel. Cette évolution serait la conséquence d’un double phénomène. D’une part, l’assemblée nationale deviendrait une chambre d’enregistrement des décisions du président de la République car il tiendrait d’autant mieux sa majorité parlementaire que celle-ci a été élue en même temps que lui et sur son nom. D’autre part, le premier ministre ne serait plus qu’un simple « chef d’état-major » car le quinquennat « favorise l’émergence d’un président capitaine soumis à l’obligation politique d’agir personnellement, vite et sur tous les fronts pour arriver devant les électeurs avec un bilan qui lui appartiennent en propre ».
Finalement, on aboutirait à deux tendances. La première serait une désuétude de la dissolution et de la responsabilité gouvernementale car il est peu probable qu’un président prononce la dissolution d’une chambre qui est favorable ou que cette dernière renverse un gouvernement de la même couleur politique. La seconde tendance serait une inutilité du premier ministre qui ferait double emploi avec le chef de l’Etat. A terme, il y aurait suppression du poste de chef du gouvernement, du droit de dissolution et de la responsabilité ministérielle. Au bout du rouleau, on a un président monarque qui viole les principes de la démocratie à sa guise sans être inquiété.
LES BIENFAITS DU SEPTENNAT
Le septennat a été consacré par les lois constitutionnelles Française de 1875 définissant les institutions de la troisième république Française. Il est envisagé à l’article 2 de la loi du 25 février 1875 relative à l’organisation des pouvoirs publics « Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Senat et par la chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible. »
Le septennat est souvent présenté comme résultant de l’Espérance de vie prêtée au chef de l’État, il s’agit de fixer la durée du pouvoir conféré au Président de la République. A l’origine, il était question d’évaluer numériquement la durée de vie du « régent » MAC MAHON. En fait, c’est plutôt de l’espérance de vie de celui-ci que vient notre septennat car lorsqu’on lui proposa un mandat de 10 ans à l’époque, il répondit, le 17 novembre 1873 qu’une durée de 7 ans « serait plus en rapport avec les forces que je puis consacrer encore au pays » Les atermoiements, hésitations et changement de position de nos acteurs politiques sur la réforme du nombre et la durée du mandat montrent, une fois de plus que ceux-ci sont, plus souvent guidés par des considérations politiques que l’intérêt général ou le souci de prendre en considération la volonté des citoyens. En effet, la réforme sur la durée du mandat en Afrique se passe souvent dans un contexte politique très électrique, le débat passionné dans un espace politique de méfiance. C’est pour cette raison qu’il convient donc de s’interroger sur ses véritables enjeux.
Sur le septennat donc, différents arguments sont invoqués par ceux qui souhaitent le conserver.
En premier lieu, les institutions trouvent leur équilibre autour de cette durée.
En second lieu, un mandat de 7 ans contribuerait à assurer la fonction arbitrale que certaines constitutions confèrent au président de la République.
En effet le décalage qui existe entre son mandat et celui des députés lui permet d’avoir du recul par rapport à ce dernier et le place au-dessus de la mêlée. Ce décalage est également gage de continuité notamment dans la politique étrangère, au-delà des échéances législatives. Il est parfois reproché au septennat de donner une longue immunité au président.
En fait, on ne peut pas dire qu’il ne connaît durant 7 ans aucune sanction à son action. D’une part, les élections législatives confirment ou infirment ses orientations et, dans ce dernier cas, ont pour effet de lui retirer une part substantielle de ses pouvoirs. D’autre part, la plupart des pays modernes vivent sous la pression des sondages d’opinion et du débat politique plus ou moins médiatisé.
En dernier lieu 7 ans pour mettre en œuvre un programme présidentiel semble ne pas être excessif.
Donner aux élus le temps nécessaire à la mise en œuvre de leur programme.
La durée d’un mandat constitue une garantie accordée aux élus qui leur permet de programmer leur action gouvernementale ou législative dans le temps qui leur est imparti. Si le mouvement général est à l’amenuisement de la durée des mandats au motif que cette limitation est gage du caractère démocratique du régime politique concerné, des voix se sont élevées en sens inverse pour affirmer qu’une durée plus longue est nécessaire à l’efficacité de l’action publique. Les responsables politiques sont, en effet, confrontés à des problématiques demandant le recours à une longue période : problèmes environnementaux, problème sociodémographique – santé, éducation, retraite…
En République de Guinée, on a jamais réussi à décrypter les messages des militants des partis politiques depuis 2005 jusqu’à la fin du régime du président professeur Alpha Condé en 2021. Dans les périodes de pré-campagne et campagne, les militants du président Lansana Conté nous ont bercés régulièrement dans les discours politiques avec ce message qui revenait à chaque fois je cite. «Lansana Conté Koudaye » en langue Soussou Koudaye veut dire continuité. Encore moins avec les deux (2) mandats du président Alpha Condé, le même discours persistait ¨ Laisser le terminer son travail¨ comme pour dire que le mandat de 5 ans n’était pas un délai suffisant pour permettre à un président de la République de mener à bien les grands desseins de la nation. En effet, c’est bel et bien l’insuffisance du délai qui a amené le président professeur à briguer un 3eme mandat. Selon ses propos que je me permets de paraphraser ici. Quand la question lui a été posée. Pourquoi il souhaitait un 3eme mandat ? Il répond : « C’est parce que, je n’ai pas pu réaliser les engagements pris que je souhaite un 3eme mandat afin de me blanchir devant le peuple de Guinée ». On peut également citer les glissements de la durée du mandat présidentiel au Sénégal, qui a failli ternir l’image de la démocratie sénégalaise citée en exemple.
Un autre enjeu de gouvernance publique pas des moindres d’ailleurs. Le mandat de 5 ans pour un président de la République, s’il est déroulé dans les règles qui conviennent, le président ne peut capitaliser qu’un temps de travail normal de 3 ans, les 2 autres années seront consacrées aux préparatifs des élections futures surtout quand il souhaite briguer un second mandat.
En conséquence, l’atteinte des objectifs des projets de développement s’amenuisent et le bilan du mandat devient mitigé pour faute de délai nécessaire consacré à l’étude des projets, la recherche du financement et enfin la mise en œuvre de la politique publique. C’est pourquoi, il est temps de prendre du recul et revoir le protocole de nos réformes institutionnelles pour les adapter à nos réalités.
La durée du mandat dans les démocraties avancées résout à la fois des soucis, comme la permanence, la continuité et la stabilité nécessaire du régime politique.
En conclusion, il est important de signaler que plus de 25 ans après son adoption définitif par les peuples démocratiques, le quinquennat continu a n’est pas faire l’unanimité parmi la classe politique et les néo-constitutionnalistes. Citons à titre illustratif, la proposition de loi constitutionnelle de Monsieur Jean-Louis MASSON, sénateur français, tendant à rétablir à sept ans la durée du mandat présidentiel et à le rendre non renouvelable qui a été enregistrée à la présidence du sénat français le 5 juillet 2006.
Fayimba Mara Docteur en droit
Ancien Directeur des études et de la Recherche de l’ex Cour constitutionnelle de la République de Guinée