Depuis le coup d’État du 5 septembre 2021 orchestré par les forces spéciales sous la direction du colonel Mamadi Doumbouya, la scène politique guinéenne semble avoir perdu de sa substance, réduite à une simple évocation de noms, sans réelle influence ni cohérence. Ce coup de force, initialement perçu par certains leaders politiques comme une opportunité inespérée d’accéder aux plus hautes sphères du pouvoir, n’a finalement été qu’une brève parenthèse d’illusions brisées. Les espoirs de ces figures de proue ont été rapidement anéantis, à l’image d’un verre éclatant en mille morceaux. De l’interdiction des manifestations politiques en passant par la récupération des biens dits spoliés par l’État, ainsi que la mise en place de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), qui ont tous contribué à éroder davantage la position des leaders politiques, forçant plusieurs d’entre eux à s’exiler à l’étranger.
Il est pour le moins paradoxal qu’au sein d’une société, des intellectuels puissent applaudir un coup d’État militaire. Certains argueront que le troisième mandat du professeur Alpha Condé constituait en lui-même une forme de coup d’État, mais l’histoire semble démontrer qu’il existe bien des nuances entre ces actes de force. L’opposition dite « républicaine » croyait pouvoir définir les contours de la transition post-coup d’État. Ainsi, dès les premiers jours après le putsch, plusieurs figures politiques ont commencé à préparer leur campagne pour l’élection présidentielle à venir, pensant naïvement que le retour à l’ordre constitutionnel serait rapide et qu’ils pourraient se mesurer à nouveau sur la scène électorale.
Parmi ces personnalités, on retrouvait des vétérans tels que Sydia TOURE et Elhadj Cellou Dalein DIALLO, des intellectuels de premier plan comme, Lansana KOUYATE et Ousmane KABA ainsi que de nouveaux visages séduisants tels que Siaka BARRY, Faya MILLIMOUNO et Aliou BAH. Cependant, ces politiciens ont fait fi de la volonté déclarée du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) de mener une profonde réforme institutionnelle, visant à doter le pays d’une constitution pérenne, capable de résister aux aléas du temps et aux ambitions des hommes. Comme si la constitution était une sorte d’écriture sacrée, intangible et immuable, de toute façon c’est sur cet angle que nos « honorable conseillers nationaux » ont abordé la situation.
Pour la jeune génération de politiciens, la transition était perçue comme une opportunité de consolider leurs positions, convaincus que les anciens leaders seraient écartés par les opérations de « nettoyage ». Toutefois, après trois longues années d’attente, marquées par l’absence de perspectives claires, leurs espoirs se sont progressivement évanouis. Privés de tribunes pour exprimer leurs opinions et de canaux pour transmettre leurs messages, ils se sont retrouvés muselés, les principaux médias du pays ont été fermés sous des prétextes obscurs. Les réunions hebdomadaires des partis se sont transformées en exercices de prudence, où chaque mot est soigneusement pesé pour éviter de s’attirer les foudres du CNRD.
La situation actuelle, selon de nombreux observateurs, découle en grande partie de la crédulité ambiante. La population peine à distinguer entre ceux qui donnent l’illusion de maîtriser leur sujet et ceux qui possèdent réellement les compétences requises. Cette crédulité n’a épargné ni le grand public ni les commentateurs politiques, qui se présentent souvent sous les traits de « journalistes » sans pour autant faire preuve de la rigueur nécessaire. En effet, même si l’on peut reprocher aux leaders traditionnels de l’opposition leur manque de cohérence et d’efficacité, les jeunes acteurs de l’opposition émergente n’ont guère fait mieux. Leurs discours, tout comme ceux de leurs aînés, sont souvent truffés d’incohérences et d’amateurisme, témoignant de la profondeur de la crise politique guinéenne.
Les interventions de Cellou Dalein Diallo depuis son exil, et surtout le silence pesant de Sydia Touré, ne font qu’accentuer la confusion qui règne au sein de la population. Cette dernière, désorientée, se trouve plongée dans une mélasse de peur et d’amertume, ne sachant plus à quel saint se vouer. La scène politique guinéenne est aujourd’hui le théâtre d’un profond désarroi, où les espoirs de renouveau se heurtent à la réalité d’un environnement miné par les incertitudes et les ambitions personnelles.